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BORDEAUX le 19/11/2005
Du fait humain au fait psychiatrique
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La formation en psychiatrie: une expérience de formation complémentaire
Christiane Vanderkam et Jean-Yves Cazaux, formateurs du Centre Hospitalier Charles Perrens, Bordeaux
  Intervention de Christane Vanderkam

Intervention de Christiane Vanderkam

Je vais vous proposer soit des questions soit des points de repères, pour voir comment on peut travailler ensemble cette question :

« Quelle formation complémentaire pour les infirmiers exerçant en santé mentale ? »

Bien évidemment, cette question « quelle formation » est très liée à :

  • quels soins infirmiers voulons-nous ?

  • le contexte actuel dans nos institutions ;

  • la politique de santé mentale, comme on l'a très bien vu d'ailleurs lors des exposés de ce matin ;

  • et plus largement, elle est liée à la question de la santé en général, de l'évolution des métiers de la santé et de l'évolution des formations.

Dans un premier temps, c'est pour interroger ce contexte général d'exercice et de formation que je vous propose d'avoir bien en tête ce qui a été rappelé tout à l'heure, le contexte de pénurie et d'économie, qui introduit et qui développe des inégalités croissantes entre les types de pathologies et les types de prises en charge avec ce que l'on sait des conséquences prévisibles –car nous avons déjà connu de tels contextes– : c'est automatiquement le secteur de la santé mentale et de la maladie mentale qui est le plus touché.

Le deuxième point, c'est la multiplication de nouveaux métiers dans le médico-social et la prise en compte du bénévolat qui aboutissent à un tronçonnage des espaces jusqu'alors clairement définis, accompagnés d'un tronçonnage bien évidemment des prises en charge.

La question de l'introduction de la Validation des Acquis de l'Expérience (VAE), déjà mise en œuvre pour les aides soignantes à partir de maintenant, et prévue pour les infirmiers fin 2006. Cette VAE interroge sur la place de la formation, sur la question de la valeur des diplômes, avec le risque de survaloriser l’expérience et les savoirs-faire au détriment de la formation, le risque d’introduire des différences de niveau de diplômes. On est là tout à fait dans la question de la marchandisation de la formation développée par le libéralisme. Et cela nécessiterait que l’on élabore ensemble sur la question de la différence entre reconnaissance de qualification et système par compétences. On peut penser que le système par compétences introduit justement une dérégulation sociale avec un risque de régulation sauvage du patronat, c’est-à-dire que, là, on est vraiment dans la « formation marchandise ».

C'est donc la question du transfert de compétences, déjà expérimentée depuis plus d’un an, qui maintenant se formalise sous forme de délégation d’un métier à un autre ; c’est-à-dire l’infirmière qui assure une partie du travail médical, l’aide-soignante qui assure une partie du travail infirmier… À ce propos, je ne sais pas si vous avez vu les derniers communiqués de l’APM, mais, tout récemment puisque c’était la semaine dernière, le ministre de la Santé vient de décider d’adapter, dans le cadre européen, le cadre de l’exercice professionnel –et donc celui de la formation– pour plusieurs professions paramédicales dont les infirmiers. Le principe fondamental de cette réforme est celui, je cite : « de la mise en œuvre de parcours universitaires qui permettent d’allier à la qualité de la formation théorique et pratique, le bénéfice des équivalences, des passerelles inter-professionnelles, d’une formation à et par la recherche. Le principe de fond est le principe de délégation des tâches. » Et cela se fera dans le cadre de procédures universitaires d’habilitation.

Petite conclusion : on voit bien que le contexte actuel, est celui d'une multiplication des niveaux de diplômes et de formations et, petit clin d’œil à 1988, je vous rappelle qu’en 88, quand ce qui se passe aujourd'hui avec la réforme de la formation des aides-soignants a été tentée pour la formation infirmière, c’est-à-dire quand Mme Barzach, à l’époque ministre de la Santé, avait voulu baisser le niveau de recrutement dans les écoles d’infirmières, c’est ça qui a fait que 100 000 infirmières en France se sont levées et on dit : Non ! nous voulons un maintien d’une qualité de formation pour une qualité des soins infirmiers.

Comment aborder la question de la formation en psychiatrie aujourd’hui ?

Marie-Paule Périer l’a dit dans son introduction : le pire des dangers, ce serait de gommer l’histoire. Beaucoup de choses ont été écrites. En particulier, je vous invite à relire un certain nombre d’analyses que le Collectif national de mobilisation en psychiatrie avait sorties à l’époque : parce que, si vous vous souvenez du débat qui a traversé la profession, c’était un débat entre spécificité ou spécialisation. Et, en fait, nous ne sommes jamais arrivés vraiment à nous mettre d’accord au niveau professionnel, car les différentes centrales syndicales et associations ont toujours été beaucoup plus polarisées par la défense d’intérêts plus généraux que par la prise en compte des besoins réels en soins psychiatriques. D'où, je vous invite à rayer, à gommer, ce terme de spécificité qui continue à être utilisé quand il s’agit de ne pas reconnaître la particularité du travail infirmier en psychiatrie ; car ce terme de spécificité est aujourd’hui utilisé de nouveau, par rapport à ce qui se discute, contre la spécialisation pour les infirmiers en psychiatrie.

Par rapport à cela, ce qu’il faut comprendre, c’est que dans la contexte actuel, la seule réalité possible, c’est la spécialisation. Il n’y en a pas d’autre.

C’est d’ailleurs le statut que l’Europe reconnaissait aux infirmiers en psychiatrie, elle l’a écrit…

Intervention inaudible

La question de l’harmonisation au niveau européen s’est posée autour des recommandations de 86 pour les formations infirmières en psychiatrie, et ce projet a ensuite été abandonné. Mais en fait, elles ont imprégné les choix qui ont été faits en 77 et, il faut le dire, en 77 nous n’avions pas conscience, au niveau de la profession, de l’importance de cette question de l’Europe. Il y a eu quelques articles, en particulier d’Horassius et d’autres, qui justement ont mis en garde la profession et le milieu de la santé mentale sur cette question. Mais c’est vrai que personne n’avait notion du poids qu’allaient prendre les directives européennes, directives qui, je le rappelle de suite, ne sont jamais venues d’en haut mais ont toujours été faites avec la participation des États ; la France, notamment, qui avait alors un poids tout à fait particulier. Et donc, il suffisait que le gouvernement français –à l’époque, et puis quand on a fait la mobilisation, etc.– reconnaisse que les infirmiers de secteur psychiatrique avaient une formation équivalente en qualité aux normes européennes pour que nous soyons reconnus dans les directives. En fait, tout le monde s’est opposé à cette solution, sauf les infirmiers et ceux qui les ont soutenus, qui se sont mobilisés.

Aujourd’hui, il y a un débat portant sur une modalité de diplôme en Y, dans le contexte de la mise en place de la LMD. À mon avis, cela reste très problématique et je vous invite, là aussi, à ne pas prendre des vessies pour des lanternes. C’est très problématique car je ne vois pas comment on va faire entrer 3 600 heures de formation en trois ans de rythme universitaire. Là, il y a un problème par rapport aux normes européennes, et les formules qui sont avancées ne sont pas des formules de spécialisation d’infirmier en santé mentale mais des formules d’infirmières cliniciennes qui seraient spécialisées dans tous les domaines de la santé, c’est-à-dire diabétologie, cardiologie, urologie, j’en passe et des meilleures et là-dedans, il y aurait santé mentale, ce qui n’est pas du tout la même chose.

Alors, comment l’IFSI s’est-il positionné par rapport à tout ça et comment nous continuons à nous positionner ? Vous le savez, mais je vais aller très vite, dès 99 nous avons monté un projet de formation complémentaire équivalent à une spécialisation normes européennes, c’est-à-dire équivalent à 1500 heures de formation avec 750 heures de théorie, le reste de pratique, dans le cadre de la formation continue. Cela voulait dire que les stages, ou ce qui équivaut aux stages, se traduisent par les temps où les stagiaires en formation sont sur leur lieu d’exercice professionnel, mais avec des objectifs à remplir, réinsérés dans la trajectoire de formation, etc. Il s’agissait pour nous, et il s’agit toujours pour nous, d’une position éthique et stratégique qui consiste, en fait, à faire vivre les choses pour faire avancer la réalité. Nous pensons qu’à un moment donné, il faut qu’il y ait des expériences et des mises en œuvre de ce que peut donner la spécialisation pour que cela rende accessible et crédible cette question bien plus largement autour de nous. Il s’agissait donc de faire faire l’expérience à des professionnels en pensant que les effets de fond d’une formation ont toujours des répercussions de fond dans les services, dans les institutions, etc.

Donc, avec ce projet, démarré en 99, mis en œuvre pour la première fois à partir de 2002, nous avons une expérience de deux promotions sur trois années qui se sont succédées. Entre temps, vous le savez, il y a eu ces nouvelles orientations en termes de formation d’adaptation à l’emploi que nous n’avons pas pu laisser de côté, et vis-à-vis desquelles nous nous sommes positionnés de la façon suivante : nous continuons à occuper le terrain de la spécialisation en maintenant notre formation complémentaire –même si nous l’avons un petit peu réaménagée pour qu’elle puisse en partie entrer dans ce cadre. En même temps, nous occupons le terrain de la formation d’adaptation à l’emploi et de la formation au tutorat, parce que nous pensons que beaucoup de débats vont se mener par ce biais là, et que les institutions, de fait, vont être confrontées à la réalité de ces deux types de formation. Cela ne peut qu’entraîner une demande et une concrétisation de ce que peut être une vraie formation de spécialisation en santé mentale. Au niveau de la Région, c’est vrai que c’est bien parti puisque c’est parti sous la forme d’un travail régional entre IFSI, qui risque d’avoir des effets de structuration et de construction au niveau régional d’une réflexion sur les contenus nécessaires de formation pour travailler en psychiatrie. Mais nous pensons que cela ne peut pas être qu’au niveau régional et que, peut-être ce serait à voir aujourd’hui, une des initiatives qui serait à imaginer en lien avec ces Assises, ce serait de voir quels relais et quelles structures on pourrait imaginer au niveau national, et peut-être au niveau européen –mais commençons par le niveau national–. Quelles structures permettraient de mener très concrètement ce débat aujourd’hui sur la question de l’adaptation et sur la spécialisation ?

Je vais de suite laisser la parole à Jean-Yves Casaux, parce que ce qui m’aurait intéressée, compte tenu de la présence de stagiaires de la formation complémentaire, c’est qu’ils s’expriment. Il y ici des formateurs de l’IFSI, cela aurait été intéressant qu’ils s’expriment aussi. J’ai en tête énormément de choses que j’aurais aimé échanger avec vous, nées par exemple du dernier bilan que j’ai eu hier avec des étudiants de deuxième année et qui pour moi, d’une façon très concrète, pose la question de comment on construit pédagogiquement un projet de formation pour préparer des étudiants et des professionnels à exercer en santé mentale. Comment, dans le cadre de la formation initiale, ne pas tomber dans le guêpier de ces modules séparés, etc. et faire en sorte que le travail de fond, en terme de position professionnelle tel qu’on le travaille à travers les modules de psychiatrie, soit travaillé beaucoup plus largement dans l’ensemble de la formation pour que l’espace psychiatrique ne soit pas une verrue dans un processus de formation, mais imprègne vraiment la construction d’une position professionnelle ?

Je terminerai simplement en disant que c’est une question qui me tient extrêmement à cœur parce que je m’y reconnais : je m’y reconnais en tant qu’infirmière psychiatrique d’origine, en tant que formatrice de métier et en tant que directrice d’institut de formation. À ces deux derniers titres et par rapport aux questions de pédagogie, je suis tous les jours surprise de voir à quel point ce dont il a été question ce matin sur le fond (c’est-à-dire par rapport à ce qui est essentiel dans le métier infirmier en psychiatrie), cette capacité d’interroger les phénomènes, de chercher des outils théoriques pour les comprendre, de pouvoir élaborer, dans un collectif soignant, justement quelle théorisation possible et comment installer et construire dans la durée quelque chose qui soit de l’ordre d’un projet, je crois que notre pédagogie à l’institut, dans ses moindres détails –en tous cas au niveau de la formation complémentaire– c’est à ce niveau là qu’elle se situe. Et pour moi, c’est très important, parce que cette conception pédagogique, c'est ce qui fait la différence entre un projet écrit susceptible d’être repris en tant que projet dans X endroits et un projet réalisé. Mais qui va porter ce projet, avec quelle boussole et quelles conceptions de la formation sur le fond ? c’est cela qui serait intéressent à échanger.

 

Intervention de Jean-Yves Casaux

Je vais dire quelque chose, non pas sur la formation complémentaire en tant que telle, parce que ça, après tout, vous pouvez avoir le programme qui va vous indiquer les types de contenus qui sont abordés. Vous vous doutez bien que ces contenus ne sont pas tombés du ciel et qu’ils sont assez étroitement, comme vous pouvez le voir, en rapport avec des nécessités de terrain, de connaissances pour travailler sur le terrain.

Mais, comme Christiane Vanderkam l’a rappelé, la formation complémentaire n’indique pas comment cette formation, en tant qu’orientation pédagogique, est réalisée. Donc, ce que je voudrais essayer de dire, en très peu de temps, c’est ce qui nous préoccupe et ce que, je crois, nous réalisons au moins un peu dans les formations que nous faisons et qui n’est pas seulement dans la formation complémentaire, il faut bien le dire, mais enfin, notamment à cette occasion-là. À cette occasion-là, parce que c’est une formation qui est une formation longue, et ça c’est très intéressant et très important, parce qu’il y a un travail auprès des personnes, entre formés et formateurs, qui a le mérite de s’installer dans une inscription de temporalité et donc qui fait inscription psychique bien davantage que des ponctualités, comme ça, éparses, qui ont tendance à renvoyer au morcellement que l’on connaît un peu partout.

Rentrons dans ce contenu, mais en terme d’orientation pédagogique, je dirais éthico-pédagogique d’ailleurs. Il y a quatre choses qui nous paraissent devoir être travaillées et qui le sont, je crois alors peut-être avec plus ou moins de bonheur, ça c’est à voir . Le fait d'une formation longue induit que les formés rentrent dans une expérience que j’appellerai, même si elle est pédagogique, une expérience de vie, tout simplement, où quatre choses sont en jeu :

  • la relation à soi,

  • la relation à l’objet de connaissance, au savoir,

  • la relation aux autres par l’intermédiaire du groupe et des activités de groupe et aussi

  • la relation au cadre, parce que si on parle de dispositif-cadre thérapeutique, en ce qui me concerne, je suis particulièrement attentif à la dimension du dispositif-cadre pédagogique, qui, au fond est le répondant du dispositif-cadre thérapeutique, chaque lieu et chaque particularité de lieu étant respectés.

Une fois dit ça, comme j’ai très peu de temps, je vais essayer de pointer sur des choses encore plus profondes et plus particulières, rapidement pour faire questionnement, c’est tout… C’est comment on a tendance et on travaille à réfléchir ensemble parce qu’on fait quand même des régulations d’équipe aussi, donc ça renvoie à la question des régulations nécessaires aussi sur le terrain . Je vais vous parler de « quoi-il-y-a-sur-le-terrain », c’est-à-dire des régulations pour voir comment on se situe par rapport au savoir, par rapport à comment on présente, mine de rien, à notre insu, le savoir aux étudiants et aux formés : est-ce qu’on le présente d’une manière surmoïque, comme quelque chose qui existe absolument, comme une perfection quelque part qu’on doit acquérir, ou bien est-ce que c’est justement une dimension d’appropriation, donc de travail, de mesure de soi-même à..., sans renoncer pour autant aux exigences qui sont obligées pour des examens et un certain niveau, bien sûr. Et, à ce sujet, ce dont je me suis aperçu en travaillant à préparer mon intervention, parce que j’ai beaucoup plus travaillé pour aujourd’hui que je ne vais dire, en fait, comme c’est très souvent le cas d’ailleurs. Vous vous rappellerez que, en tant qu’étudiant, quand vous avez un exposé à faire et de ce point de vue il n’y a pas tant de différence que ça entre un étudiant et un enseignant, du moins quelqu’un qui fait une conférence c’est qu’il travaille beaucoup (enfin, en principe) pour le peu qu’il présente aux autres. J’imagine que pour votre exposé de tout à l’heure, ça a dû être pareil, vue la qualité de la chose. Je me suis aperçu récemment – pas de ce que je faisais parce que je le fais depuis, je crois, un certain temps – mais j’ai commencé, je crois, à moins que je ne me trompe, à l’aide de D.W. Winnicott notamment, à comprendre un peu ce que je faisais et ce que nous faisions, du même coup, puisque nous sommes quand même ensemble et que nous discutons sur comment on interpelle et au nom de quoi on interpelle les étudiants par rapport à l’existence, par rapport au savoir, c’était que non seulement on les interpelle évidemment sur des connaissances qu’ils doivent acquérir, comment ils les manient, ceci, cela, ce qu’on appelle l’utilisation de l’objet, comme vous pourrez lire chez Winnicott dans Jeu et réalité, un livre assez complexe par ailleurs, mais aussi et ça ce n’est pas courant, je pense, en pédagogie – et c’est bien dommage – c’est qu’il est adressé une interpellation aux stagiaires en terme de « demande d’être ».

Au nom de quoi peut-on faire une « demande d’être » ? Eh bien au nom que, non seulement il s’agit que les étudiants, évidemment, travaillent à mettre des choses en cohérence en termes de savoir, que les réponses soient cohérentes, que l’argumentation soit cohérente, que les savoirs se répondent bien les uns les autres, mais est-ce que, non seulement, ça a du sens en termes – pas de non-sens rationnels – mais est-ce que ça a du sens pour eux ? Comment se positionnent-ils dans la vie avec ça et par rapport à ça ? Et ça, c’est une demande qui est très curieuse en général, qui est reçue de manière très curieuse par les gens, et d’une manière très déconcertée et très déconcertante, au début du moins.

Parce qu’en fait, pour les connaissances que j’ai, et que vous avez sans doute aussi, vous savez très bien qu’il y a deux types d’investissement dans la vie : un investissement de type narcissique, le premier objet c’est soi et on ne l’abandonne jamais – et on n’a pas tort – et aussi l’investissement d’objets extérieurs à soi auxquels on prête son narcissisme et on le retire parfois. En tous les cas, camper ces deux réalités-là qui sont souvent antagonistes, pas toujours, eh bien les formations en général, en termes d’exigence, s’adressent toujours et sont vécues par les stagiaires la plupart du temps comme des demandes venant d’une réalité extérieure qui s’impose aux gens et qui "les fait chier". Pour autant, cela ne veut pas dire non plus qu’il ne faut pas tenir compte de ces demandes. Mais en même temps, comment travailler à ce qu’on n'en reste pas là, c’est-à-dire que quelque chose soit vécu quasiment seulement que sur le mode de la contrainte ? Même si cette contrainte est vécue comme nécessaire et racontée comme nécessaire et reparlée comme nécessaire et démontrée comme nécessaire. Eh bien, je crois que c’est en ayant la capacité de s’intéresser aux gens, qu'ils perçoivent et vivent cette considération et donc, de séduire l'autre au sens d'opérer une attraction de l'investissement narcissique, c’est-à-dire qu’ils se sentent concernés, comme dit D. W. Winnicott encore, impliqués par la question des savoirs ; donc j’emploie ici narcissisme au sens positif du terme. Alors comment travailler l’adresse au narcissisme d’une manière formative ? C’est certainement pas en flattant le bonhomme ou la bonne femme, bien sûr. Eh bien je crois, et cela a été présent dans le discours de ce matin, même si c’était dit en termes de soins, et notamment parce que vous vous êtes beaucoup appuyés sur deux auteurs qu’on discute en ce moment, qui ont le mérite d’écrire récemment des articles très intéressants, donc D.-R. Dufour et C. Dejours, c’est ce qu’on appelle le fait humain, c’est-à-dire quels sont les déterminismes humains ? Parce que ces déterminismes humains, ils sont les mêmes, tant du côté du malade mental que de nous, et donc, dans la relation pédagogique, de l’élève comme du formateur, même si on est posé chacun respectivement dans son lieu, d’une manière inégale et nécessairement inégale pour que quelque chose de cette inégalité se modifie. Je ne rappellerai donc pas quelles sont les caractéristiques de ce fait humain, il en a été dit quelque chose tout à l'heure, mais cette demande d’être, c’est de s’adresser à cela de l’autre parce que cela de l’autre, je ne l’ai pas oublié pour moi-même. Évidemment, si on l’a oublié pour soi-même, on est très mal placé pour le demander à l’autre. Ce qui suppose qu’en terme de formateur, on revisite dans la relation pédagogique et c’est là que je vais arrêter tout ce qui est en questionnement de ces contradictions, du rapport au savoir etc., que l’on a pu vivre et qui doit forcément être vivant encore en nous, y compris de la relation à l’autre. Puisqu’il y a une demande d’être, il ne s'agit pas de n’importe quelle relation, c’est-à-dire qu’il faut nouer une relation tout en sachant pour le formateur ce n’est pas indifférent par rapport aux soins que cette relation qui doit être assez intense est d’entrée de jeu, pour lui, impliquée par « y mettre fin », c’est-à-dire que la finalité comporte sa propre fin. Mais fin posée dès le début, c’est-à-dire en fait, et pour terminer, re-rencontrer, à chaque fois, avec chaque étudiant ou étudiante, chaque groupe, à la fois le plaisir et la douleur d’aimer... et la question de l'objet.

Voilà.

Applaudissements

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Initiative:    Le groupe de réflexion bordelais
Le collectif National de mobilisation en psychiatrie (CNMP)
Le Centre d'étude des formations infirmières et des pratiques en psychiatrie (CEFI-PSY)