Assises nationales des infirmiers en psychiatrie et en santé mentale
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BORDEAUX le 13/02/1993
Précisons les requisits de formation
Bordeaux, 1993: Pratiques de secteur et formation infirmière

Jean-Claude LAUMONIER (Collectif de mobilisation en psychiatrie. Sotteville Les Rouen.)

La formation initiale des infirmiers travaillant en santé mentale n'a jamais vraiment intégré la dimension du secteur.

De 1955 (120 cours souvent compris comme 120 h de cours) à 1991 (4640 h de cours) , l'accroissement du temps de formation est spectaculaire mais le contenu de cette formation n'a pas été conçue en fonction des besoins de la politique de santé mentale telle qu'elle est pourtant définie par les textes officiels de la circulaire de mars 60 à celle de mars 90.

Cette référence est certes présente dans l'intitulé du diplôme de 1973 et dans celui de 1979, ainsi que dans quelques passages du programme, mais ces diplômes restent foncièrement marqués par

- le modèle du diplôme de soins généraux,

- une pratique psychiatrique centrée sur l'hôpital.

Dans ces conditions, c'est plutôt dans des circuits de formation "parallèles" (ex C.E.M.E.A.) ou par le biais des formations continues que des formations correspondant aux pratiques de secteur ont vu le jour.

Plusieurs causes expliquent cette situation.

Sans prétendre être exhaustif, on peut énumérer les facteurs suivants :

1) La politique de secteur a acquis force de loi en 1985, elle constitue un cadre juridique et géographique mais ses fondements comme idéologie de soin ne sont encore aujourd'hui intégrés que par une petite minorité d'équipes en santé mentale.

Quoiqu'en disent les textes, l'hospitalo-centrisme reste la réalité essentielle de la psychiatrie publique et a même tendance à se renforcer.

2) Pour les professionnels qui ont participé à l'élaboration des programmes de formation pour les infirmiers psychiatriques, la seule reconnaissance possible de la profession ne pouvait venir que d'un rapprochement, voire d'une assimilation avec le seul modèle infirmier valorisé socialement, celui de l'infirmière en soins généraux.

Plus généralement, c'est seulement au cours des toutes dernières années que les infirmiers travaillant en santé mentale, ont commencé à revendiquer la spécificité de leurs pratiques et à vouloir faire reconnaître leur qualification, en surmontant leur complexe de sous-infirmier "à compétence limitée".

3) Le développement des pratiques de secteur a amené une redéfinition de la place de l'infirmier dont l'autonomie, le "rôle propre" se sont développés (entretiens infirmiers d'accueil, visites à domicile où l'infirmier(e) est souvent seul(e), animation d'activités diverses à visées relationnelles,...

Mais, parallèlement, le corps médical, y compris dans ses composantes les plus favorables au développement de la politique de secteur, a beaucoup de mal à admettre dans la pratique cette redéfinition des rôles au sein de l'équipe pluridisciplinaire.

Cette difficulté est souvent masquée derrière le brouillard idéologique de l'égalitarisme ou de ce que j'appellerai l'idéologie du "médecin-chef-camarade", ... "tout le monde est égal" mais, dans la pratique, les détenteurs du pouvoir médical sont plus égaux que les autres.

4) Il n'y a pas eu, dans ces conditions, d'approfondissement suffisant et de synthèse de la réflexion sur le rôle spécifique de l'infirmière (rôle propre... ) d'une part et de celles sur les pratiques de secteur.

Faute d'une définition préalable des soins infirmiers en santé mentale découlant d'une véritable pratique de secteur, le diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique a toujours été pensé comme un sousdiplôme, y compris par les infirmiers de secteur psychiatrique, et non comme une autre qualification.

La mise en place du diplôme unique infirmier, sans réflexion préalable sur la pratique infirmière dans le cadre de la politique de secteur, n'a pas permis de répondre aux exigences formulées ci-dessus.

Comme le dit fort justement M. JAEGER : "avec le diplôme unique, le choix d'une intégration complète au champ médical a le mérite de la clarté. Il a aussi l'avantage de souligner la place du soin. Mais les infirmiers de secteur psychiatrique risquent de connaître un autre excès : sous-estimer la dimension sociale et éducative du travail infirmier en psychiatrie, mentionnée dans le décret du 17 juillet 1984 pour la profession infirmière en général ; participer à une médicalisation de la psychiatrie dans le contexte de la montée des courants organicistes et de la psychiatrie biologique ; rompre avec les apports de la psychiatrie sociale dans les pratiques extra-hospitalières" (1)

Il a fallu que la profession d'I.S.P. disparaisse pour que la prise de conscience de l'identité de l'infirmier en santé mentale commence véritablement à s'affirmer.

C'est précisément le mérite de la rencontre d'aujourd'hui de jeter les bases d'une première réflexion sur cette identité.


(1) M. JAEGER : Les infirmiers de secteur psychiatrique, une profession en question. In : "Psychiatrie et santé mentale", p. 251 -le passage en gras est souligné par nous-.

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